Lancée fin janvier à l’attention des directeurs d’établissement scolaires, la campagne « ça suffit ! » a été soutenue par un rapport intitulé Prévention de l’homophobie et de la transphobie dans les collèges et les lycées. Si beaucoup ont remarqué dans ce texte l’arrivée de problématiques transsexuelles dans les préoccupations du Ministère de l’Education nationale, peu on vu que, pour ce qui est de la stratégie mise en place, un nouveau mode opératoire allait être mis en œuvre.
Jusque là en effet, la rue de Grenelle optait pour une pédagogie de la défense et de la riposte : l’homophobie était délictueuse, il fallait s’y opposer en la dénonçant. Désormais il s’agit, nous recommande l’institution, de « lutter contre l’invisibilisation des jeunes LGBT ». Pour ce faire, le personnel enseignant aura à charge de « citer positivement les personnes LGBT pour leur contribution à la littérature, à l’histoire ou aux arts ». Semblable publicité est justifiée par le fait que la « visibilité est un levier puissant pour faire reculer l’homophobie et la transphobie ». Nous passons donc de la prévention à la promotion : l’école n’a pas seulement à lutter contre les discriminations, elle doit aussi être apôtre des minorités. Il ne s’agit pas de protéger, encore faut-il exhorter.
S’est-on inquiété, en cet appel au prêche, de l’impératif de neutralité qui incombe à l’institution scolaire et que garantit pourtant la Charte de la laïcité ? A-t-on demandé aux enseignants s’il était dans leur rôle de souligner, au détour d’un cours, les pratiques sexuelles des personnages qu’ils évoquaient ? Pense-t-on que ces secrets de boudoir donnent du prix à leurs enseignements, accréditent leur autorité ? Et les enfants, s’est-on seulement posé la question de savoir s’ils étaient intéressés à l’idée de recevoir de telles informations ? Leurs familles ont-elles été consultées sur ce point ?
Ainsi va notre école aujourd’hui : on n’y enseigne plus guère, mais on y lutte beaucoup. Ainsi fonctionnent nos pédagogues aussi : pour éradiquer la peur, ils inoculent l’objet même de cette peur. De là une école de la promotion et du soupçon, de l’inclusion et de la division. Une école qui, sous prétexte de prévention homophobe et transphobe, en vient à être homophile et transphile.