Accueil > Documentation > Réflexion, formation > Esther Pivet, coordinatrice de VigiGender, réagit aux "Outils pour l’égalité (...)

Esther Pivet, coordinatrice de VigiGender, réagit aux "Outils pour l’égalité filles garçons"

dimanche 14 décembre 2014, par oleg

Coordinatrice de VigiGender et mère de famille, Esther Pivet a sondé de près les propositions qui sont faites dans les « Outils pour l’égalité filles-garçons à l’école ». Répondant à nos questions sans détour, elle livre ici le contenu de ses observations.

Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter, dire ce qui vous a amenée à vous engager dans le collectif "VigiGender" ?
Je suis tout simplement une maman soucieuse comme chacun du bien des enfants. J’ai découvert le concept de genre en lisant un livre l’été 2013. Le cœur du genre, concept multi-formes, est finalement l’indifférenciation des sexes et donc des sexualités, fondée sur le postulat que nous ne serions qu’une construction sociale et qu’il n’y aurait aucune part de nature dans nos comportements, nos centres d’intérêt, nos choix, dans le couple homme-femme…. Lorsqu’à la rentrée 2013 j’ai compris que ce concept était déjà diffusé ici ou là à l’école, notamment par des livres, des spectacles et certains manuels au lycée, et risquait de l’être massivement avec l’ABCD de l’égalité (devenu aujourd’hui « outils pour l’égalité filles-garçons »), cela a fait naître en moi une saine colère. J’ai alors décidé de participer à la création du collectif VigiGender, qui se donne pour mission d’informer et de soutenir les parents et les enseignants, afin qu’ils puissent identifier les vecteurs de diffusion du genre à l’école et soient en mesure de s’y opposer. Le genre avance masqué, sous les termes consensuels que sont « l’égalité garçons-filles » et « la lutte contre l’homophobie ». Nous sommes là pour décrypter ce langage qui endort les consciences.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de la mise en place des "Outils pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école" ?
Une première lecture rapide de ces outils m’a montré leur caractère plus mesuré que ceux de l’ABCD de l’égalité. N’y sont plus présentes certaines ressources pédagogiques à caractère fortement militant, destinées à déconstruire les normes familiales et sexuelles, à déconstruire ce que construisent les familles et à brouiller l’identité sexuelle. Ainsi des nombreux livres conseillés dans l’ABCD de l’égalité, comme, entre autres, « La princesse Finemouche », « Ma super famille », « Tous à poil », et « Les chatouilles », ce dernier livre suggérant l’inceste entre frères et sœurs. Par ailleurs, les ressources sont moins directives pour les professeurs, qui se voient simplement proposer des pistes, ce qui est me semble-t-il plus respectueux de leur capacité à éduquer à l’égalité de dignité et de droit des garçons et des filles. En cela c’est une victoire ! Le Gouvernement a reculé. Mais pas totalement. La vigilance s’impose toujours.

Dans l’ensemble, que pensez-vous de ce projet ?
Si les outils sont plus mesurés, l’idéologie de l’indifférenciation des sexes, basée sur le postulat que nous ne serions qu’une construction culturelle, n’y est cependant pas absente, loin de là. Je vais citer quelques exemples parmi d’autres.
Premier exemple : la mixité dans les métiers y est vue « comme un équilibre numérique entre les garçons et les filles », plutôt que simplement la présentation de toutes les filières aux deux sexes en cherchant à éliminer toute idée reçue, présentation effectivement souhaitable. On veut amener les élèves « à réfléchir sur le phénomène de « féminisation » ou non de certains métiers en le déconstruisant et en pointant le fait qu’il s’agit de constructions culturelles ». Cela est un non-sens anthropologique, car les centres d’intérêt des hommes et des femmes sont essentiellement liés à leur nature sexuée et non à la culture : les hommes sont naturellement plus attirés vers les structures, l’ingénierie. Les femmes davantage vers les domaines où elles agiront auprès de personnes. Par exemple, le fait que la quasi-totalité des sages-femmes soient des femmes n’est pas complètement indépendant du fait que c’est la femme qui donne la vie dans son corps. Inversement, vouloir l’équilibre numérique dans le BTP nie la plus grande force physique des hommes, souvent nécessaire sur les chantiers, mais plus encore tout le désir de relation plus présent chez la femme : c’est pour ça par exemple qu’il y a moins de femmes maçons que d’hommes, car c’est assez difficile d’entrer en contact avec un mur...Ces différences de centres d’intérêt entre hommes et femmes sont démontrées par des études scientifiques et sont notamment liées aux différences hormonales. Ces études sont relatées dans un documentaire norvégien[1] qui avait pour but d’éclairer le paradoxe suivant dans ce pays : après des années de politique égalitariste entre hommes et femmes, 90% des ingénieurs étaient toujours des hommes et 90% des infirmiers des femmes.
Deuxième exemple : il est proposé aux professeurs de prendre des photos dans la cour pour ensuite discuter avec les élèves des activités des garçons et des filles, de leurs choix. Car dans la cour, explique-t-on, « l’espace est dominé par les garçons qui peuvent exercer librement leurs besoins d’activités physiques », tandis que « les filles se replient dans les recoins de la cour pour bavarder ou pour jouer à l’élastique, aux balles, à la marelle ». Mais enfin, depuis le temps que cela se passe ainsi en général dans la cour (en général, car les filles qui le veulent peuvent très bien courir), si les filles en souffraient elles l’auraient fait savoir non ? Elles ne sont pas complètement aliénées ! En réalité, les filles aiment les jeux plus calmes et plus relationnels entre elles. Le fait que « les filles et les garçons n’apprennent pas à partager leurs jeux », comme le disent les outils, en quoi cela pose-t-il problème ? Bien sûr, il faut corriger des attitudes hostiles entre les deux sexes, voire violentes, mais si les garçons et filles ont envie de jouer chacun de leur côté, qu’on les laisse libres de le faire. Elle est bien loin la liberté quand un professeur prend des photos pour inviter les élèves à s’interroger sur leurs choix, ce qui ne manquera pas de générer chez eux une incompréhension et pour certains une culpabilité.
Troisième exemple : il est proposé aux professeurs de français et d’histoire de parler de la place et de la représentation des femmes dans les différentes époques. Si cela est bien fait, c’est une très bonne chose, notamment en montrant la variété des figures de femmes et en présentant des femmes qui ont marqué leur temps, sans se focaliser toutefois sur les féministes du XXème siècle. Mais si cela est fait comme les outils le suggèrent à demi-mot, cela peut vite devenir une critique de la littérature et de l’histoire, accusées alors de contribuer à l’élaboration des stéréotypes sexués. Ainsi par exemple, dans les contes comme Cendrillon et la Belle au bois dormant, il est proposé « de mettre en évidence cette image véhiculée de femme soumise, souvent humiliée, incarnation du mal ». Ou encore, il s’agira de présenter « Une séquence portant sur l’amour courtois présentant le rôle de la femme dans ce modèle de comportement idéal à destination des hommes de la cour ». Et même, il est suggéré de faire une « étude sur les représentations des hommes et des femmes […] au travers d’œuvres telles que les ornementations et sculptures d’églises, l’image d’Eve et l’image de Marie ou d’autres saintes… ». C’est prendre des exemples du passé pour nourrir le débat actuel en relisant chaque événement sous le prisme unique du sexisme et de la domination homme-femme, ce qui ferait bondir n’importe quel historien sérieux. On en fait une lecture unilatérale et militante qui est tout à fait condamnable. En quoi la lecture de l’histoire et l’analyse littéraire doivent-elles être abordées avec les lunettes des féministes radicales ? En quoi les exemples du passé permettent-ils de justifier des prises de position sur une situation actuelle ? Je veux croire que les professeurs auront la clairvoyance de faire leur cette analyse lumineuse : « Plutôt que de faire comparaître une fois encore notre héritage biblique, romanesque, poétique devant le tribunal de la misogynie, du sexisme et de la domination masculine, il me semble infiniment plus fécond de rouvrir tous ces livres afin d’y découvrir une autre intelligence des rapports entre les hommes et les femmes, un autre scénario que celui, monotone, des rapports de force et de pouvoir. Des relations nullement sereines, compliquées, aventureuses au contraire, mais savoureuses, en vertu même de cette différence originelle et irréductible »[2].
Enfin, et c’est là un point très ennuyeux de ces outils, il est demandé aux professeurs, dans le but qu’ils se corrigent, de s’auto-observer sur deux points : « Le contenu des annotations et des appréciations est-il le même quel que soit le sexe ? » et « L’aide apportée aux garçons et aux filles est-elle équivalente en contenu ? Selon les matières ? En volume ? ». Cela est méconnaître totalement d’une part, les différences de psychologie entre garçons et filles et entre chaque enfant, et d’autre part, les plus grandes difficultés des garçons en moyenne, nécessitant une aide adaptée et plus poussée. Les enfants ne peuvent être considérés comme des individus asexués. Pour arriver à un résultat, vous n’allez pas vous y prendre forcément de la même manière entre garçons et filles, dotés de psychologies différentes, qui ne sont pas qu’une construction ! Les parents le savent bien. Et même entre chaque enfant, il y a des différences à prendre en compte. Donc le problème de ces outils, c’est qu’ils incitent les professeurs à agir avec tous les élèves de la même manière ; on leur demande d’appliquer un système au lieu de partir de l’élève. Or, la véritable égalité à l’école, c’est que tous aient accès aux savoirs et c’est donc développer une attitude adaptée à chaque enfant. C’est là toute la complexité du métier de professeur. Si on persévère dans ce sens, on aura une École « quantitative » plutôt que « qualitative », soucieuse de respecter une égalité numérique plutôt que de permettre à chacun de s’élever.
En conclusion, je dirais qu’il revient aux professeurs d’utiliser ces outils avec intelligence et mesure pour éduquer au respect entre garçons et filles et à l’égalité de dignité et de droit, sans féminisme militant, ce qui contreviendrait à la neutralité de l’école, et sans faire comparaître l’histoire et la littérature au tribunal du sexisme, et enfin en respectant l’altérité sexuelle. Ils sont capables d’avoir un comportement adapté à chaque enfant et méritent la confiance de l’institution et des parents, ce qui néanmoins ne doit pas exclure le dialogue avec eux,

Pour accueillir ce programme, quels conseils donneriez-vous aux parents dont les enfants sont concernés par celui-ci ?
Je leur conseillerais tout simplement d’en parler sereinement avec les professeurs. D’une part pour s’assurer qu’ils partagent une conception de l’égalité qui ne considère pas que l’identité de chacun est un obstacle, mais qui est une égalité en dignité et en droits respectant l’altérité sexuelle. D’autre part, pour voir avec eux, surtout s’ils ne partagent pas cette vision, comment ils comptent utiliser les outils. En cas de désaccord, les parents, en tant que premiers éducateurs de leurs enfants, ont le droit de s’opposer à un dispositif qui touche à l’éducation de leurs enfants. Le Code de l’éducation prévoit que « L’État garantit le respect de la personnalité de l’enfant et de l’action éducative des familles » (art.L111-2). Nous leur conseillons pour cela de ne pas rester seuls, de se regrouper avec d’autres parents dans leur cas, d’essayer d’avoir le soutien des associations de parents d’élèves (ce qui n’est pas acquis car beaucoup sont pro-genre ou n’ont pas saisi ce qui est derrière ce terme d’ « égalité »), de solliciter la direction, dans le but de trouver une solution acceptable par tous. On peut aussi contacter VigiGender [3], afin de l’informer et de voir ensemble ce qu’ils pourraient encore faire si nécessaire. Le Ministre de l’Éducation nationale faisant de la coopération avec les parents une priorité, il faut que cela se concrétise sur le terrain et que des solutions soient trouvées par les professeurs et les directeurs d’école. Sinon, ce ne sont que des mots, et les parents ne peuvent le supporter : leurs enfants sont ce qu’ils ont de plus précieux ; ils attendent des adultes à qui ils les confient écoute, respect et soutien.


Notes et références :
[1] La théorie du genre expulsée de Norvège : le paradoxe de l’égalité des genres : https://www.youtube.com/watch?v=PfsJ5pyScPs
[2] Bérénice Levet : La théorie du genre ou le monde rêvé des anges, p. 194
[3] Esther Pivet : contact@vigi-gender.fr

4 Messages

  • Belle analyse ! Quelques éclairages complémentaires possibles Le 14 décembre 2014 à 16:56, par Epsilon

    Dans les points de repère à garder à l’esprit :

    - remettre à sa place la charge de la preuve : il n’appartient pas aux parents de justifier leur désaccord, à partir du moment où il reste inscrit dans l’égalité DES DROITS. Par exemple c’est à l’expérimentateur - enseignant ou intervenant extérieur - de prouver l’avantage d’un mélange des genres - le petit Poucet interprété par un petit garçon ou autre.
    Dans le même ordre d’idée, il appartient à l’observateur de prouver que dans la cour de récréation les filles sont "repoussées par les garçons" sur les bords : il est parfaitement légitime d’affirmer au contraire que les filles "s’emparent des coins paisibles et rejettent les garçons au centre de la cour".
    Ne pas hésiter à user et abuser de ce mécanisme d’inversion des affirmations.

    - mettre en lumière les anachronismes manifestes : avant l’invention de l’électroménager, la question de répartition des tâches ne se posait pas ; il aurait été inhumain - et inacceptable pour l’homme - de laisser la femme affronter la dureté extérieure décrite dans Germinal (Zola) ou Les temps modernes (Chaplin), y compris durant les périodes de maternité. De même les détails vestimentaires utilisés par nos idéologues - ’robe’ pour un petit garçon - s’expliquent par les règles élémentaires de propreté bien connues des parents, avant l’invention de la couche ; inutile de faire un dessin.

    - pointer que le CORPS est l’unique moyen des interactions : quand on parle de comportements, c’est bien du corps qu’il est question ; la télépathie n’existe pas. A partir de cette observation élémentaire, cela devient très difficile de justifier le postulat de la ’construction culturelle’ déconnectée du sexe.

    Les parents sont invités naturellement à demander des avis complémentaires aux enseignants de cette association - également parents pour la plupart.

    Répondre à ce message

    • Belle analyse ! Quelques éclairages complémentaires possibles Le 15 décembre 2014 à 23:43, par mère au foyer

      "De même les détails vestimentaires utilisés par nos idéologues - ’robe’ pour un petit garçon - s’expliquent par les règles élémentaires de propreté bien connues des parents, avant l’invention de la couche ; inutile de faire un dessin."

      => Sans faire un dessin, c’est à dire ?!??

      Répondre à ce message

      • Belle analyse ! Quelques éclairages complémentaires possibles Le 16 décembre 2014 à 15:12, par Epsilon

        Que ce soit un petit garçon ou une petite fille, avant d’être totalement propre il s’écoule un moment. Durant lequel les ’fuites’ ou ’débordements’ intempestifs sont susceptibles de salir les vêtements, en l’absence de couche - jetable - pour les contenir.
        Les tableaux de Brueghel l’ancien montrent par exemple les petits fesses nues, précisément pour éviter la multiplication des lessives. En l’absence de lave-linge, il y aurait de quoi être submergé, non ?
        Au 19ème plus pudique, une ’robe’ permet de laisser passer l’écoulement sans nécessiter de changer toute la tenue.
        Les couches en tissu s’imprègnent et communiquent l’humidité aux vêtements trop serrés ; et dans la période intermédiaire, le délai de grâce à partir du ’maman, pipi !’ préventif est assez court : la robe possède l’avantage de la rapidité de réaction.
        Le dessin est-il suffisamment précis ?

        Répondre à ce message

  • On voit bien qu’au ministère les enseignants sont en minorité Le 22 décembre 2014 à 17:41, par Espérance

    1) "la mixité dans les métiers y est vue « comme un équilibre numérique entre les garçons et les filles »"
    Proportion femmes/hommes parmi les enseignants ?
    - en maternelle ?
    - en élémentaire ?
    Les directives pour les prochains concours (et surtout pour le nouveau concours spécial à recrutement national pour les professeurs des écoles de l’académie de Créteil) ne semblent pas imposer l’égalité numérique des admis.
    2) "il est demandé aux professeurs, dans le but qu’ils se corrigent, de s’auto-observer sur deux points : « Le contenu des annotations et des appréciations est-il le même quel que soit le sexe ? » et « L’aide apportée aux garçons et aux filles est-elle équivalente en contenu ? Selon les matières ? En volume ? »"
    Il n’est venu à l’idée de personne que les professeurs corrigent souvent les copies de manière quasi-anonymée, sans regarder qui est l’auteur de la copie ; ils portent la note résultant d’un barème, et ce n’est qu’alors qu’ils rédigent un commentaire qui peut prendre en compte l’identité de l’auteur de la copie.

    Répondre à ce message

Répondre à cet article

| Plan du site | Notice légale | Suivre la vie du site RSS 2.0