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11 mesures pour affaiblir la République

lundi 16 février 2015, par oleg

Dans la fièvre des événements qui secouèrent notre pays, la Ministre de l’Education nationale a proposé, le 22 janvier 2015, 11 mesures pour transmettre les "valeurs de la République".[1] Noyées par un flot d’annonces venues de toutes parts, ce document n’a fait l’objet d’aucune analyse précise. Fondateur, le projet envisagé dessine pourtant les lignes de ce qui pourrait être l’école républicaine de demain.

La rue de Grenelle entre en guerre
Ce qui frappe tout d’abord, à la lecture des mesures proposées, est le recours à un lexique militaire. En son ambition, la démarche se veut une "grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République". Afin de mener le combat, l’institution scolaire entend s’appuyer sur une "réserve citoyenne". L’enfant enfin se verra appelé à traverser un "parcours citoyen", qui le mènera de l’école élémentaire à la terminale. Martiale, la pédagogie proposée relève d’une stratégie de reconquête, qui entend peupler les classes d’élèves soldats.

Une stratégie de repli
Le problème est que, en ses objectifs mêmes, le plan de bataille demeure des plus vagues. A aucun moment en effet le texte proposé ne se donne la peine de définir le contenu précis de ces fameuses "valeurs" qui sont censées fonder la République. Dissimulant ce néant, les rédacteurs du projet se contentent de répéter à l’envi une consubstantialité fondatrice qui unirait école et République. "Ecole et République sont indissociables", affirme-t-on en un paragraphe introductif, puisque "la République a fait l’Ecole", tout comme "l’ Ecole a fait la République". Tautologique, redondante et historiquement discutable, cette postulation est le symptôme d’une institution malade qui, face à la violence de l’agression qu’elle vient de subir, ne peut que réagir par le repli et l’incantation.

Mise en place d’un conformisme doctrinaire
Conséquence de cette vacuité, l’école se donne pour mission de perpétuer un conformisme de doctrine, qui, assure-t-on avec fermeté, sera noté autant que sanctionné. Ainsi, la liste des "principales mesures" précise que les candidats au professorat seront "évalués sur leur capacité à faire partager les valeurs de la République". De même, la onzième mesure promet, pour les étudiants en université, d’ "encourager la reconnaissance" dans le cadre de la validation des diplômes, "des compétences acquises lors d’engagements citoyens en rapport avec la lutte contre les discriminations". Enfin, avertit-on solennellement, "les comportements mettant en cause les valeurs de la République" seront "traités". On le voit donc alors, le programme, vide de tout contenu théorique, s’enlise dans l’injonction et le contrôle. Le bon citoyen que veut notre école aura pour vocation de psalmodier les litanies d’un catéchisme imposé.

Sacralisation de l’Etat, liturgie laïque
Et, comme tout dogme ne s’établit pas sans cérémonie, les savants concepteurs du projet ont prévu, pour les têtes blondes de nos classes, des festivités publiques. "Les rites républicains" seront "valorisés", se félicite-t-on à la deuxième page du projet. "Une journée de la laïcité sera célébrée dans toutes écoles et tous les établissements le 9 décembre", assure la deuxième mesure. Si elles n’exposaient pas l’autorité des maîtres autant que la crédibilité d’un Ministère, semblables initiatives pourraient faire sourire. Imagine-t-on seulement, après le déni d’autorité que vient de subir l’école ces derniers jours, nos élèves écouter sagement la main sur le coeur l’hymne national chanté à l’unisson ? Comment faire croire à la grandeur d’une institution qui n’est plus reconnue ? Une autorité est-elle possible sans la crainte jointe à l’admiration ?

Pas de république sans culture
Car le pire est sans doute là. Promue avec ardeur par notre Ministre, cette tentative de redressement ne s’appuie sur aucune volonté de transmettre les éléments qui permettraient d’aimer la République. Tout au plus attend-on des élèves qu’ils acquièrent une "meilleure maîtrise du français". Rien n’est dit sur l’histoire de ce régime, ses origines, son évolution. En somme, la Ministre demande aux enfants de chérir un pays sans le connaître, de croire en des "valeurs" sans les comprendre, d’adhérer à une mission sans être en état de l’estimer. Pourtant, comme le montre l’expérience même de notre nation, une République ne se décrète pas par des mesures mais s’institue dans une culture.

Précipitées et mal définies, ces "onze mesures" pour les "valeurs de la République" manqueront donc leur but et risquent même de produire l’effet inverse. Dictée par l’urgence des politiques, la démarche dévalorisera en premier lieu l’école, que l’on instrumentalise à nouveau ici au nom des impératifs du présent. Les maîtres, transformés pour les besoins de la cause en agents de propagande, seront perçus comme les laquais du régime. Avec des têtes bien vides et mal faites enfin, nos élèves iront peupler une école de moutons, antichambre probable de la République des ânes.

Note
[1] http://www.education.gouv.fr/cid85644/onze-mesures-pour-une-grande-mobilisation-de-l-ecole-pour-les-valeurs-de-la-republique.html

1 Message

  • Valeurs associées à un type de gouvernement ? Le 19 février 2015 à 19:57, par Espérance

    "valeurs de la république" (avec ou sans majuscule, ça ne change pas grand’ chose).
    Le Soudan est, ce me semble, une république ainsi que l’Iran.
    Je ne suis pas certaine que leurs éventuelles valeurs soient nos valeurs.
    La Belgique, le Danemark ne sont pas des républiques, mais des monarchies ; les valeurs de ces pays sont certainement plus comparables aux nôtres.
    Si au ministère qui se dit de l’éducation nationale on ne sait pas le sens des mots, il serait sans doute temps de revenir à un ministère de l’instruction, capable de cerner précisément la signification des mots employés.

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