Le groupe « L’égalité, c’est pas sorcier ! » et la Ligue de l’enseignement lancent une pétition adressée à Najat Vallaud-Belkacem. [1] Remettant en cause la convention de l’accord du pluriel au masculin, les auteurs de la missive somment la Ministre "de publier une nouvelle circulaire considérant comme correcte la règle de proximité".
En vertu de ce principe, il faudrait alors, aux dires des pétitionnaires, pouvoir s’exclamer : "que les hommes et les femmes sont belles ! " Arguant que "le masculin ne doit plus l’emporter sur le féminin, même en grammaire", et afin que "l’école" ne "façonne" plus "un monde de représentations dans lequel le masculin est considéré comme supérieur au féminin", les requérants exigent de la Ministre qu’ elle "dé-hiérarchise le masculin et le féminin".
Grotesque autant que naïve, cette initiative fait preuve d’une méconnaissance de l’histoire de la langue comme d’une utopique conception de cette dernière. La dite règle en effet ne procède pas, comme le supputent nos linguistiques militants, d’une hiérarchie opposant masculin et féminin. Au contraire, la convention de l’accord fut établie en rappel de ce que le masculin joue, en français, la fonction du neutre : dans le langage comme ailleurs sans doute, le sexe ne se réduit pas au genre. Autre erreur, il paraît puéril de penser qu’un changement lexical pourrait induire une transformation sociale. Comportementaliste, cette conception fait de l’homme et de la femme des créatures réagissant servilement à des stimuli linguistiques calculés. La langue n’est pas conditionnement des êtres, mais moyen offert à ceux-ci pour concevoir les choses. "Le propre du langage", disait Claude Lévi-Strauss, "est d’être un système de signes sans rapport matériel avec ce qu’ils ont pour mission de signifier".
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