Accueil > Actualités > Histoire et sa relecture

Histoire et sa relecture

lundi 15 juin 2015, par Epsilon

Je ne crois pas ça [dit Malabar]. A la bataille de l’Étable, Boule de Neige s’est conduit en brave. Et ça, je l’ai vu de mes propres yeux. Et juste après le combat, est-ce qu’on ne l’a pas nommé Héros-Animal, Première Classe ? (in La ferme des animaux de G. Orwell, au chap. 7)

La fiction d’Orwell met en scène un groupe (les cochons de La ferme, ou le parti de 1984) en position de Pouvoir ; afin de renforcer son emprise, il utilise les limites de la mémoire ’humaine’ pour modifier le récit des évènements passés, au point de les falsifier.

Près de Poitiers, lieu de la célèbre victoire de Charles Martel en 732, un "musée en plein air" a été édifié au tournant du millénaire. La présentation des faits connus et attestés y est sensiblement altérée. La liste des concepteurs apparait assez disparate, et une référence à un ouvrage et un auteur ouvertement nazi, violemment anti-chrétien est pour le moins gênante.

La thèse avancée

Charles Martel serait juste un "pillard mieux organisé que les autres", et la conquête sarrasine interrompue, une occasion manquée d’accéder à une civilisation riche et brillante, au contraire des Francs, "peuple grossier et sous-développé, tout juste capable de vendre des matières premières"
Le christianisme est à peine évoqué, noyé au milieu d’une profusion de panneaux sur divers paganismes assez anachroniques ; l’islam est par contre développé au point qu’il pourrait être le titre de l’exposition, s’il n’y avait tant d’impasses et approximations dans une volonté revendiquée de n’en présenter qu’un côté plaisant.

La réalité historique

Charles tenait sa légitimité de sa responsabilité à la tête du royaume en tant que "maire du palais". Il était venu assister un autre personnage à la légitimité tout aussi incontestable : Eudes, duc d’Aquitaine, qui avait précédemment battu les envahisseurs à Toulouse en 721. Ces derniers occupaient l’actuel Languedoc depuis 719, et l’intervention du duc Eudes était motivée par la volonté de protéger les populations des innombrables razzias et mises à sac des bourgades et cités traversées. L’anecdote raconte que Charles aurait délibérément facilité les pillages dans les jours précédent la célèbre bataille du 25 octobre, afin d’alourdir et ralentir les combattants ennemis.

Le chef des envahisseurs est tué lors de ce premier affrontement contre les troupes conjointes d’Eudes et Charles. Puis les pillards sont pourchassés et repoussés progressivement. C’est le fils de Charles, le roi Pépin le bref, qui les chassera définitivement en libérant Narbonne en 759.

Nous sommes très, très loin d’un simple "coup de chance" qui aurait pu faire basculer les royaumes européens. La vérité est qu’en l’absence d’armée régulière, une bande de pillards a pu mettre à sac les diverses régions traversées et en déporter les habitants comme esclaves, jusqu’à ce que les institutions d’un royaume déjà puissant s’organisent et les chassent. Les conquêtes en Afrique du Nord et Espagne sont à lire justement à la lumière de cette absence de structures administratives et politiques suffisamment fortes pour résister à des bandes armées nombreuses et organisées. Imaginer une autre issue relève de la plus haute "fantasy".
Rappelons tout de même que déjà à l’époque de la Guerre des Gaules, les observateurs romains reconnaissaient le haut degré de développement des populations qui leur étaient supérieures en bien des domaines. La conquête n’a pu réussir qu’avec l’utilisation des rivalités entre peuplades, un temps mises partiellement de côté par Vercingétorix.

Répondre à cet article

| Plan du site | Notice légale | Suivre la vie du site RSS 2.0