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Serez-vous un bon gender prof ? Analyse et décryptage du "Rapport sur l’Egalité entre filles et garçons dans les écoles et les établissements"

jeudi 19 décembre 2013, par oleg

Encore un rapport ...
Pris par une inexplicable hystérie normative, notre Ministère cumule mémoires et expertises. Aussi nous est-il difficile de nous tenir à jour. Ce qui suit n’est rien d’autre que l’analyse et le décryptage d’un énième rapport, qui nous fut tardivement signalé par la bienveillance d’un parent vigilant. Grâce lui soit rendue, par l’entremise de ce dernier, nous allons enfin savoir ce qui nous sera bientôt demandé, à nous autres enseignants, en termes de connaissances à dispenser à l’attention de nos chères têtes blondes.

Pour lutter contre le sexisme, il n’est qu’un remède, qui est le gendrisme
Le texte en question, sobrement intitulé "Rapport sur l’Egalité entre filles et garçons dans les écoles et les établissements", fut rédigé en mai 2013, par un groupe d’inspecteurs que l’on suppose aussi éminents que compétents.[1] En cet opus nous est d’emblée dit que "le thème de l’égalité", s’il fait certes l’objet d’un "consensus de surface" en l’ "Ecole de la République", se "fissure", "dès que l’on aborde la question de genre", ainsi que "la portée des stéréotypes". Habituel à nos yeux, le parallélisme qui associe sexisme et gendrisme, l’un ne pouvant être remédié que par l’autre, va enfin pouvoir trouver, affirme le sagace rapport, un heureux dénouement à l’école, grâce à la formation des maîtres et au bon choix des manuels.

Mieux former les maîtres, c’est d’abord bien les conformer
En effet, nous assurent les auteurs du texte, "les concours de recrutement" devront désormais, "dans les épreuves à visée professionnelle", "prendre en compte des situations où la question des rapports sociaux de genre revêt une dimension pédagogique". Appliquée à l’épreuve pédagogique de l’oral des concours d’enseignement, la formule laisse rêveur quant à sa possible application. Tenté par l’aventure, notre esprit se plaît à imaginer comment se vérifiera la capacité des futurs professeurs à "prendre en compte" ces "situations" "où la question des rapports sociaux de genre" implique une véritable "dimension pédagogique". De là pourrait se concevoir un examen de l’impétrant qui s’appuierait, à titre d’exemple, sur les suivantes questions :
- Un élève, encore indécis quant à son orientation sexuelle, vient vous voir et vous confesse qu’il ne sait, avant chaque leçon de gymnastique, dans quel vestiaire se changer : quelle dimension pédagogique revêt pour vous cette situation ?
- Vous initiez votre classe, dans un souci louable et républicain d’ouverture, à la notion du neutre grammatical, présente en certaines langues : comment pouvez-vous amener ces considérations, purement linguistiques, à l’incontournable question des rapports sociaux de genre ?
- en cours, la discussion roule sur la figure bien connue de Winnie l’Ourson, héros transgenre s’il en est de l’imaginaire enfantin. Imaginez une situation impliquant la cruciale question des rapports sociaux de genre, par laquelle le héros, embarrassé il est vrai, mais audacieux malgré tout, déclarerait sa flamme à Bourriquet, malheureux ânon ayant perdu sa queue. Comment feriez-vous jouer la scène aux enfants ? Avec ou sans pot de miel ?

Pour tout manuel, il faut un Guide suprême
Autre piste que propose le didactique traité, nos inspecteurs suggèrent d’ "élaborer avec les éditeurs un guide de bonnes pratiques aidant à éliminer les stéréotypes et à présenter un traitement équilibré entre les sexes." Bon praticien, autant que maître des consciences, le Ministère se promet donc d’éclairer les esprits, enténébrés de tous ces "stéréotypes", qui font basculer notre monde dans le dangereux gouffre du déséquilibre des "sexes". Dans le but de corriger au plus vite cette iniquité néfaste, nous ne pouvons que promptement proposer cette liste de manuels anticipés que notre docilité institutionnelle s’empresse de concevoir :
- Pas plus, pas moins, toujours égal : manuel d’algèbre non discriminant ouvrant à une bonne pratique de l’arithmétique
- Les Sexes et la Plume : anthologie de textes équilibrés luttant contre les stéréotypes sexistes en littérature
- Martine a la moustache et même du poil aux pattes : livre de lecture pour enfants les conduisant à un traitement équilibré entre les sexes.

Et Jules, dans tout ça ?
Tout ceci ne serait évidemment que plaisant si la cible première de ces farces n’était de jeunes enfants à qui l’on impose l’idéologie clinquante du moment, et ce, dans le dos même de leurs parents. Ce qui meurtrit aussi nos consciences est que l’Ecole déroge ici à son impératif de neutralité. Quand elle fut par Ferry fondée, celui-ci entendait la séparer de sa tutelle spirituelle. Dans un sage discernement, le républicain voyait comme suit les choses, s’adressant aux instituteurs en une lettre fameuse : "le législateur a eu pour premier objet" "d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves" et "de distinguer" "deux domaines trop longtemps confondus" : "celui des croyances" et "celui des connaissances". [2] Libérée de l’emprise ecclésiastique par ses fondateurs, il est à craindre, au train où vont les choses, que l’institution scolaire ne tombe aux mains d’une autre chapelle, bien à l’oeuvre ces temps-ci dans les couloirs de la rue de Grenelle. Ainsi notre noble institution risque de devenir, si nous n’y prenons garde et que nous ne faisons rien, ardente Ecole du gendrisme, incontournable pilier à venir de ce qui pourrait bien être un Etat sans sexe, triste prélude sans doute d’une société sans vie.

[1] http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/14/0/2013-041_egalite_filles-garcons_263140.pdf. Toutes les citations qui suivent peuvent être consultées sur ce lien.
[2] http://www2.cndp.fr/laicite/pdf/Jferry_circulaire.pdf.

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