C’est la presse qui le déclare : les ABCD de l’’égalité sont officiellement abandonnés par l’Education nationale [1]. On ne sait pas encore par quoi ils seront remplacés. On sait en revanche qu’ils ne devraient pas être généralisés à la rentrée 2014.
Cette victoire est immense, et nous la devons à l’exceptionnelle mobilisation des parents, enseignants, étudiants qui cette année se sont levés contre la folie d’un Ministère qui s’est arrogé le droit de changer les mentalités des enfants qui lui étaient confiés. Nous saluons ici toutes les associations, tous les collectifs, toutes les personnes de bonne volonté qui ont oeuvré en ce sens, refusant de laisser l’école aux mains d’idéologues furibonds et sectaires. Nous avons une pensée particulière pour les collègues et les parents, mais aussi les élèves, qui, en conférence, sur notre site, sur notre messagerie ou ailleurs, nous ont laissé des mots d’encouragement ou prodigué d’utiles conseils. Nombreuses et diverses, ces attentions montrent à quel point notre engagement est celui de tous, et comme l’actuelle défiguration de la mission scolaire est un scandale qui concerne chacun. Quand l’école est menacée par un Etat qui se fait servile instrument d’intérêts particuliers, c’est la société entière qui est blessée, fragilisée en son unité même.
Dès lors, nous savons bien que cette victoire n’est qu’un symbole, dérisoire au regard de la puissance qui entend désormais gouverner l’institution scolaire : d’autres combats, autrement plus grands, nous attendent. Car en effet, bien des questions demeurent, qui nous gardent en alerte et forcent notre vigilance. Si les ABCD ne sont pas généralisés, qu’en sera-t-il alors de ces lieux d’expérimentation qu’ont été les écoles où le projet égalitaire fut initié ? Ces zones d’endoctrinement prioritaire seront-elles maintenues ? Continuera-t-on à y inculquer ce catéchisme béat à l’insu des parents, que l’on se gardera bien d’informer ? Aura-t-on enfin le droit, ainsi que le stipule la loi, de connaître la liste des écoles pilotes pratiquant l’expérience égalitaire auprès des enfants ? Autre chose, la rue de Grenelle précise qu’elle s’apprête en ce domaine à miser dorénavant "sur la formation des enseignants, en respectant leur liberté pédagogique ». Pure façade, cette liberté promise entre en contradiction flagrante avec le dispositif de sélection, de notation et de récompense que le Ministère tente, graduellement, de mettre en place. Epreuve de Capes portant sur la question du genre, grilles d’auto-évaluation centrées sur ce critère, tout laisse à croire au contraire que la marge de manoeuvre laissée aux enseignants sera faible, si ce n’est nulle. Méprisés depuis longtemps quant à leur compétence disciplinaire, ces derniers ne sont plus appelés aujourd’hui qu’à se borner à la stricte conformité idéologique : le bon maître est d’abord celui qui est un bon gender professeur. Dernière chose enfin, M. Hamon lui-même a pu déclarer, au sujet de son utopie pédagogique : « Nous serons ambitieux sur les contenus des programmes qui vont du CP jusqu’à la 3e du socle commun ». La chose est donc limpide ici : si l’ABCD de l’égalité disparaît comme programme du Primaire, il reparaît, dans tous les programmes de tous les niveaux. Diffuse, incontrôlable et générale, cette présence effective montre l’obstination des partisans du gender qui n’hésitent plus à mettre en oeuvre un véritable endoctrinement de masse. La cible des idéologues se généralise, la volonté d’emprise se fait totale. Le contenant du projet s’est bel et bien dissous, mais le contenu de ce dernier est appelé à se systématiser, au mépris de toute consultation, faisant fi de toute démocratie.
Prenons bien garde alors que cette victoire, indiscutable autant que bienvenue, ne soit le prélude à quelque défaite, sinistre et définitive. Gardons mémoire de ce qui fit la force de notre lutte : échange des compétences, travail en complémentarité, rapidité dans la transmission de l’information, élasticité du réseau. Soyons sûrs aussi que la vérité, que l’on a bien maladroitement essayer de masquer, de minimiser ou de transformer, finira par triompher, comme elle triomphe aujourd’hui, en ce jour de modeste succès. Elle passera, à tout le moins, par le biais de notre petit groupe, qui s’est donné pour mission première d’informer le grand public de la réalité de ce qui se passe à l’école. Nous ne serons pas les fonctionnaires muets d’un Etat qui cache, fraude et trafique. Nous ne connaissons que trop l’Histoire pour savoir que Léviathan est ce monstre qui se fortifie du silence de ses sbires. Nous ne laisserons rien faire, nous ne laisserons rien taire. Et, délibéré autant que décidé, ce refus du silence est bien la première de toutes nos victoires.
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