Enthousiaste et décidé, le Ministre de l’Education nationale se prévaut, pour les diverses réformes qu’il entend mettre en oeuvre, d’un héritage républicain maîtrisé. Or, le simple diptyque qui suit suffit à montrer que l’intendant du patrimoine s’est plutôt fait usurpateur que continuateur, prévaricateur et non refondateur. Pourquoi ce détournement ? A qui profite le larcin commis ? La réponse à ces questions est à lire au bas du dit diptyque, qui prend la forme qui suit :
A) CE QUE DIT NOTRE CHER MINISTRE
B) CE QU’EN PENSENT LES PERES FONDATEURS
A)« Le gouvernement s’est engagé à s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités » (Circulaire du 4 janvier 2013, adressée aux recteurs et rectrices).
B)« L’éducateur qui prétendrait [...] façonner celui qu’il élève, ne ferait de lui qu’un esprit serf . » Jean Jaurès
A) « Il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel." (Entretien accordé au Journal du Dimanche, 1 er septembre 2012)
B) « La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est celle de la famille. » Jean-Jacques Rousseau, Contrat Social.
A) « La République a besoin de rites. La démocratie, c’est une véritable religion, elle a besoin de rites pour être reconnue et acceptée. »
(La Révolution française n’est pas terminée, 2008)
B) « Et, quand on vous parle de mission et d’apostolat, vous n’allez pas vous méprendre : vous n’êtes point l’apôtre d’un nouvel Évangile. »
Jules Ferry, Lettre aux instituteurs
La comparaison des citations proposées le montre, la neutralité religieuse, essentielle au projet républicain, s’est muée, par le prisme de notre zélé prosélyte, en laïcisme d’Etat. Civile, cette piété nouvelle serait tout bonnement risible, si elle avait la délicatesse de ne point s’incarner en milieu scolaire. Mais, soumise aux charges éducatives de l’institution, la foi laïque de notre Ministre viole les consciences ainsi que les plus élémentaires principes de tolérance. On pourrait à cela objecter que ceci est progrès, indispensable mutation d’une démocratie moderne. Il n’en est rien : en politique comme en cuisine, il est d’élémentaires recettes qu’il convient de ne point abolir, faute de quoi on soumet ses convives à d’étranges régimes, qui rappellent parfois d’anciens plats aux saveurs plus qu’amères. Et, celui que semble offrir notre nouvel idolâtre paraît bien promettre l’instauration d’une étrange République, pas plus citoyenne que durable, parce qu’essentiellement peuplée d’esclaves sans cervelle.