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Le décret imposant la réforme du collège est-il constitutionnel ?

vendredi 12 juin 2015, par oleg

Signé au petit matin du 19 mai 2015, le décret relatif à l’organisation des enseignements au collège institue un précédent législatif sur lequel il convient de s’interroger : pour la première fois dans l’histoire de l’éducation nationale, une réforme modifiant considérablement des propositions éducatives semble vouloir se passer de la voie parlementaire. Pourtant, la Ministre de l’Éducation nationale ne cesse de dire que ce décret ne fait que s’inscrire dans la prolongation de la loi de refondation de l’école, votée à l’Assemblée en juillet 2013. Qu’en est-il alors de la légitimité de ce décret ? Est-il bien légal de réformer tout un corps scolaire par simple signature ministérielle ?

Éducation et souveraineté
Dans l’esprit de notre République, enseignement et suffrage sont intrinsèquement liés. Le Préambule de la Constitution de 1946 stipule en effet que « l’organisation de l’Enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ». Conséquence de ce lien, l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, affirme que « la loi » « détermine les principes fondamentaux de l’enseignement ». Consubstantiels et consécutifs, École, État et loi sont coordonnés par l’activité parlementaire, qui définit les lignes de l’enseignement à venir. Pour les pères fondateurs, c’est au législateur, perçu comme l’expression de la volonté générale, de dire comment l’État forme la jeunesse d’une nation.

Loi de refondation pour l’école, caution du décret du 19 mai 2015
Le problème est que lorsque le Parlement vote, en juillet 2013, la loi dite de refondation pour l’école, il ratifie un article qui brise cette unité. Portant sur le « socle commun », somme de connaissances qu’il est nécessaire d’apprendre au collège, l’article 13 déclare que celui-ci peut désormais être « fixé par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes. » Institution créée par Vincent Peillon en octobre 2013, cette instance compte 18 membres, dont dix sont nommés par le Ministre. On le voit donc alors, la loi Peillon et son article 13 dessaisit le Parlement des affaires éducatives touchant au collège. Plus grave encore, en plaçant à la tête d’un groupe consultatif qui se trouve doté d’une puissance législative des personnes qui lui sont favorables, Vincent Peillon fait œuvre de confusion des pouvoirs. Conséquence d’un usage autoritaire des prérogatives de la République, la réforme des collèges signale la transformation d’un État soucieux d’incarner le peuple jusque dans les questions éducatives en une technocratie instituant la tyrannie des experts.

De révocation en abrogation
Par le fait de cette intrication, il est inutile de demander à Madame Vallaud-Belkacem de revenir sur le décret instituant la réforme des collèges. S’inscrivant dans la suite de l’article 13 de la loi Peillon, il est comme protégé par ce dernier. Le juste combat est donc d’exiger, en même temps que la révocation du décret portant sur la réforme des collèges, l’abrogation de la loi dite de refondation pour l’école, dans le but de faire disparaître son inacceptable article 13. Si une telle démarche n’était pas entreprise, l’ensemble des électeurs devrait alors consentir à ce que l’enseignement soit soustrait à la loi et confisqué au Parlement, pour le bénéfice du Gouvernement seul. Acceptera-t-on qu’une génération entière de futurs citoyens soit formée selon l’unique bon vouloir du Prince ?

Évidemment, on pourra toujours objecter qu’une loi ne s’abroge pas, qu’une Assemblée ne saurait revenir sur ce qui fut fixé. Une telle résignation n’est pas plus juridiquement fondée qu’elle n’est républicaine. En ses principes, Le Guide de légistique affirme que « les textes législatifs et réglementaires restent applicables tant qu’ils n’ont pas été abrogés ». Quant à Rousseau, il déclare dans son Contrat social qu’ « il n’est, dans l’État de droit, aucune loi fondamentale qui ne se puisse révoquer ». Iniques en leur procédure, illégitimes en leur fondement, la loi Peillon et le décret Vallaud-Belkacem doivent être révoqués, pour le bien de notre République même : le combat pour l’abrogation ne fait que commencer.

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