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Formation à la réforme du collège : encore un témoignage accablant

samedi 12 décembre 2015, par oleg

Le texte qui suit fut écrit par une certaine Catherine Perrin, collège Val de Rosemont. Il rapporte la journée d’une formation subie au sujet de la réforme du collège. Comme pour les témoignages précédents, on retrouve les ingrédients habituels de l’incompétence institutionnelle :
questions laissées sans réponse, autoritarisme de cadres visiblement débordés, absence de projet précis :

"Impressions suite à la 1° demi journée de formatage du 26/11 dans mon collège :

Une IPR d’anglais, aidée par une IPR de SVT anime cette séance marathon face à l’assemblée des professeurs du collège Val de Rosemont, très majoritairement opposés à la réforme du collège (85% de grévistes le 17/09/15) en présence de la direction.
3 heures d’exposés oscillant entre verbiage abscons et silences embarrassés lorsque les collègues posent des questions précises. Quelques informations stupéfiantes également.
- La séance commence par l’injonction suivante :
« Nous n’allons pas remettre en cause la réforme, elle est votée ! » Quand on fait remarquer à l’IPR que cette réforme est un décret et n’a donc pas été votée, un silence embarrassé s’installe suivi d’un « on peut y aller ? »
Il est tout de même curieux de constater une pareille erreur chez un IPR ! Qu’en serait-il si nous énoncions une pareille énormité en inspection ?...
- On essaie de nous démontrer ensuite que la réforme s’inscrit dans une refonte globale, de la maternelle à l’université (loi de refondation de l’école) On a commencé par … le lycée ; on s’interroge en vain sur la logique à l’œuvre. A une question naïve sur le fait de savoir quel bilan a été dressé de cette réforme ayant mis en place l’AP, l’intervenante s’exclame (avec soulagement) qu’un rapport vient d’être déterré aujourd’hui. Ce rapport conclut que l’AP en lycée « n’est pas satisfaisante... mais c’est juste parce que ce dispositif s’est ajouté aux heures disciplinaires ». Le fait que lesdites heures de cours aient été amputées est balayé d’un revers de manche et quand on tente de souligner qu’il est assez illogique de transposer en collège un dispositif qui n’est pas au point, on nous invite à aller consulter le rapport de l’inspection « qui donne des tas de pistes » pour l’améliorer.
- On nous peint ensuite sous les couleurs les plus riantes les nouveaux programmes, à coup de formules creuses, mais le tableau reste finalement très flou, même si les IPR s’extasient sur « des programmes enfin soclés », les EPI qui traiteront le programme « à travers des démarches de projet », les « tâches complexes », « l’évaluation avec des curseurs »(??)
- Tout va très bien, la DGH va être « abondée » grâce aux 2h45 / division… ! Très peu d’exemples concrets, on nous suggère deux idées pour des séances d’AP « préparation d’antisèches en maths », et « jeu de mémory » pour travailler la mémorisation du vocabulaire anglais (3 séances pour 20 mots)
LA POMMADE PASSÉE :
En amont de la formation, les IPR avaient écrit pour nous demander de leur faire part « de tous les projets (pluridisciplinaires, innovants, collaboratifs) mis en place les années précédentes et qui pourraient être des appuis à la réforme des collèges » ; nous n’avions pas répondu, jugeant que nous étions convoqués d’abord pour recevoir une information et des réponses.
Plusieurs couches de traitement ont néanmoins été appliquées au cours de la séance, les IPR n’ont cessé de vanter notre « engagement », notre « dynamisme », « tous les projets dont nous sommes porteurs », ceci bien sûr pour nous dire que nous appliquions déjà la réforme sans le savoir...
LES QUESTIONS DEMEURÉES SANS RÉPONSE :
- « L’AP est certainement faites en groupes restreints dans les lycées ? » Réponse de l’IPR : « On en parlera ensuite si vous voulez bien » mais la suite n’est jamais venue...
- « La DGH va-t-elle baisser ? » Un collègue a calculé que « notre DGH va baisser de 10 à 15 heure » Personne ne le détrompe !
- On nous explique que les EPI et l’AP sont faits à l’intérieur de l’horaire disciplinaire par l’enseignant qui le prend en charge (par ex le professeur de français a une classe 4h00 dont une heure d’EPI ou d’AP) mais « y aura-t-il inscrit EPI à l’emploi du temps des élèves ou du professeur ? » Des réponses peu claires voire contradictoire sont apportées au cours de la séance.
- On nous propose l’exemple d’un EPI où les élèves réalisent une maquette de théâtre romain (il s’agit d’un EPI technologie/maths, aucune intervention du professeur de lettres classiques n’est mentionnée) : le professeur de technologie demande si des crédits supplémentaires seront affectés pour acheter les matériaux nécessaires ; l’IPR ne répond pas là dessus mais se réjouit parce qu’un élève lui a dit : « les maths j’ai du mal, mais là, j’ai compris des trucs ».
- « Il y aura un oral sur les EPI au DNB est-ce que ça pourra être sur un EPI fait en 5° ? » Réponse de l’IPR « on n’a pas toutes les modalités... »
- De façon générale, chaque fois qu’un enseignant poursuit le questionnement et montre les incohérences ou le flou du projet, l’IPR répond : « Ça aussi, ça sera à discuter entre vous ».
- Du coup, quand on demande « A combien évaluez-vous la quantité de travail supplémentaire que cette réforme demande aux enseignants ? » , on se contente de nous regarder avec une moue mi réprobatrice mi résignée : la fatalité, le destin veut sans doute que nous soyons sans cesse accablés un peu plus pour répondre aux exigences croissantes de la société envers l’école.
LES GÉNÉRATIONS D’ÉLÈVES SACRIFIÉS :
- « Qu’en est-il des élèves actuellement en 5° et qui n’auront que 2h30 de LV2 en 4° et 3° au lieu de 3h actuellement ? » Le problème est nié par l’IPR de la façon suivante : « pour valider leur A2 on ne prendra en compte que 2 activités langagières au lieu de 5 » ! Le fait que ces élèves arriveront en 2° avec 1/6° de leur temps d’apprentissage en moins n’a semble-t-il aucune importance ! On aura « un tout petit peu de souplesse », mais « on ne leur donne pas moins ! » Lorsqu’on dit qu’une pareille légèreté est intolérable, l’IPR dit alors avec agacement « je peux continuer ? »
- De même, au prix d’explications contradictoires et au mépris de toute logique, il est affirmé que les élèves ayant commencé l’allemand en 5° (LV2) auront autant de chance d’intégrer un cursus Abibac au lycée (une sélection étant faite à l’entrée en seconde) que leurs camarades qui dans d’autres collèges où la bilangue sera maintenue auront fait 4 ans d’allemand depuis la 6°...
LES GRANDS MOMENTS :
L’IPR dénigre abondamment l’ancien livret de compétences, avec ses compétences difficiles à valider (elle avait dû prêcher exactement l’inverse il y a 5 ans mais passons)
« Nous avions avant la compétence 1 : maîtrise de la langue française : c’était peut-être un peu ambitieux que de maîtriser la langue française en fin de scolarisation obligatoire »
Devant l’éclat de rire général, l’IPR tente un rétablissement : « la maîtrise, c’est arriver à un niveau de perfection, on ne peut pas arriver à la perfection »
LES « BONNES » NOUVELLES :
- Les 2h45 par division seront attribuées « en DHS » (dotation en heures supplémentaires) . Ce qui n’est pas très rassurant pour les DGH.
- « La concertation sera-t-elle rémunérée ? » Non, mais les chefs d’établissement sont invités à ménager des plages horaires dans les EDT. Nous aurons donc des trous communs pour nous réunir bénévolement...
- L’évaluation de la compétence A1 qui se faisait en fin de primaire sera faite en fin de cycle 3 (de 6°) par les professeurs de collège, qui devrons en outre prévoir aussi une « évaluation diagnostique en début d’année » pour pallier les différences d’acquisitions en primaire.
- « Que se passe-t-il lorsque les enseignants ne tombent pas d’accord sur la répartition des programmes ou la mise ne place d’un EPI ? Qui tranche ? » L’IPR répond « ce n’est pas à moi de le dire » Comme on insiste, le chef d’établissement annonce alors que lui le fera : en dernier ressort il tranchera donc en matière pédagogique.
- L’enseignement de complément latin (1h en 5°, 2h en 4°/3°) sera l’objet d’une dotation horaire à part, sans être pris sur les 2h45 par division (décision valable dans notre académie seulement, sur volonté du recteur)
- Il est possible de prévoir de globaliser les EPI sur une ou plusieurs périodes banalisées : la seule contrainte « est de respecter le quota global d’heures à réserver aux EPI et leur aspect interdisciplinaire » ; du coup, le moral remonte un peu, il se murmure dans la salle l’idée de réserver aux EPI la fin d’année , après les conseils de classe du 3° trimestre...
QUAND LES MASQUES TOMBENT :
« En fait les EPI et L’AP c’est pour inciter les enseignants ... pour faire évoluer certaines pratiques pédagogiques qui ne sont pas adaptées aux élèves les plus en difficultés » explique l’IPR . Et donc « les EPI, c’est pour les enseignants, pas pour les élèves ? » Pas de réponse...
LA CONCLUSION DE CETTE SÉANCE :
Un collègue résume la situation : « À voir la complexité et les incohérences de cette réforme, on a l’impression que tout est fait pour qu’elle rate ! »
L’opinion générale s’exprime alors de toutes parts dans la salle : « On n’a rien compris », « Comment faire passer une réforme à laquelle on ne croit pas ? »« On est découragé par la somme de travail exigée », « On faisait de nombreux projets, vous l’avez dit, mais là, on n’a plus envie de rien faire ! »
Chacun quitte les lieux sans avoir changé d’opinion, encore plus convaincu de l’inanité de la réforme et de l’urgence de tout faire pour qu’elle ne passe pas !"

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