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Les nouveaux maîtres de l’école libre

samedi 24 septembre 2016, par oleg

L’article qui suit a été trouvé sur les site des "Parents pour l’école". Il montre, preuves à l’appui, que le pédagogisme a aussi ses entrées dans l’enseignement privé sous contrat.

Lorsqu’elles ont fait la promotion de la réforme du collège, les autorités de l’Enseignement privé sous contrat se sont signalées par l’usage d’un lexique nouveau. Dans La Croix du 19 mai 2015, Pascal Balmand affirmait que le projet porté par Najat Vallaud-Belkacem assurait un « croisement des disciplines et des savoirs » qui s’accordait « à la logique du socle commun ». Dans le même journal, Caroline Saliou, Présidente de l’Apel, déclarait de son côté le 11 mai 2015 que la réforme produirait « plus de liberté accordée aux équipes, davantage de travail interdisciplinaire ». Surprenantes de la part de responsables de l’école libre, ces expressions témoignaient d’un fait nouveau : le pédagogisme venu de l’Éducation nationale était parvenu à la tête de l’école libre. Fort de ce constat, il convient alors de s’interroger sur l’origine et les effets de cette intrusion. Dans l’enseignement privé sous contrat, les questions éducatives peuvent-elles se penser librement ? Si oui, que peut proposer l’Église de notre temps, via ses structures éducatives, à un monde qui semble dépourvu de maîtres ?

Une école sans savoir : petite histoire du pédagogisme français

Le pédagogisme, doctrine qui entend instruire en se dispensant de connaître, prend sa source dans la pensée de Rousseau. Dès le début de L’Émile, le philosophe affirme que, « puisque tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses », « tout dégénère entre les mains de l’homme ». Pélagienne en ses fondements, la critique de la culture débouche sur une condamnation de la lecture qui s’énonce en ces termes : « Je hais les livres, ils n’apprennent qu’à parler que de ce qu’on ne sait pas. » Paradoxale de la part d’un auteur prolifique, la formule proclame la vanité de toute culture, perçue comme aliénante et inadaptée. S’emparant de ces prémices, Célestin Freinet, instituteur dont la pensée habite les murs de nos écoles, conçoit et échafaude un enseignement dénué de maîtres. « C’est l’enfant lui-même », affirme-t-il, « qui doit s’éduquer ». Posant le principe d’une constitution autonome des savoirs, il stipule que « le centre de l’école n’est plus le maître, mais l’enfant ». Ayant fait fortune en divers centres de formation, la pensée de Freinet pénètre le système scolaire et impose des pratiques devenues poncifs : classe sans estrade, auto-correction de l’élève, disparition des notes remplacées par un système de feux rouge, vert ou orange … Le coup final sera porté par Pierre Bourdieu, sociologue devenu Mentor des I. U. F. M. A lire ce dernier dans Les Héritiers, le système scolaire ne serait que perpétuation d’un clivage de classes, l’école maintenant une ségrégation qu’autorise et justifie « l’idéologie du don ». Plus juste et plus approprié serait, aux dires du sceptique, un système qui, plutôt que d’évaluer, punir et sanctionner, se contenterait « d’organiser » dans l’enseignement « toute l’action présente par référence aux exigences de la vie professionnelle ». Strictement utilitariste, le projet de Bourdieu refuse la formation générale des esprits pour ne plus faire de l’école qu’une antichambre de la vie sociale. Marquant au point de se faire évidence, l’ensemble de ces préceptes a eu pour effet de renverser la conception classique de l’école : l’élève devient le maître, le savoir n’enseigne rien, la classe c’est le monde. Les fruits de cette utopie sont connus et depuis longtemps à l’œuvre en notre monde : enfants aliénés à leurs désirs propres, maîtres dénués de légitimité, invasion du monde social dans le sanctuaire de l’école. Conséquence de cette falsification, nous vivons à l’ère satisfaite et proclamée de la connaissance inutile.

Le pédagogisme au cœur de l’école libre : sidération nouvelle pour des idées anciennes

Fidèle à la tradition éducative qui habite et nourrit l’histoire de l’Église, l’école libre resta longtemps sourde à ces sirènes. Un acte fort cependant fut, lors des assises nationales de l’enseignement catholique de décembre 2001, la création d’ « Observatoires pédagogiques, sociaux et pastoraux ». En sa fondation, cette instance entendait assurer la « cohérence entre l’innovation pédagogique, les relations entre les personnes et les finalités éducatives ». Dans le but de faire face à la crise de la transmission, les responsables de l’école libre entendaient surmonter les difficultés pastorales et scolaires par l’artifice et la technique. La porte ayant été ouverte, les pédagogistes s’engouffrèrent dans le temple. En 2012, le site de l’enseignement catholique se dotait d’un onglet intitulé « réseau des observatoires pédagogiques » et conçu comme « espace de partage et de travail collaboratif ». Animé par Yves Mariani, membre de l’Observatoire national de pédagogie de l’enseignement catholique, l’espace dédié se consacrait à la diffusion de la bonne parole. Ainsi, dans un article intitulé « Nous sommes tous acteurs des changements d’ère », ce dernier affirmait : « la connaissance n’est pas l’apanage des experts ; dans la « société du co » qui peut advenir, qui est déjà en marche, la connaissance est le résultat de l’échange ». Historique consécration de cette inflexion, l’enseignement catholique organisait, les 12 et 13 mars 2015 au collège des Bernardins, un colloque intitulé « Savoirs en questions et questionnement du savoir ». Centrées autour de la difficulté de l’apprentissage, ces journées reprenaient à leur compte la doxa des didacticiens de la rue de Grenelle. S’achevant sur des « ateliers de savoirs croisés », le programme des deux journées invitait à partager « une expérience de transdisciplinarité ». Perceptible en la création d’un organe censé penser les questions éducatives, le pédagogisme s’immisçant au cœur de l’école libre consacre la vacuité des enseignements disciplinaires, symptôme et conséquence de la remise en question du savoir. De toutes les défaites, la première est toujours intellectuelle. Et le rapide parcours effectué à travers la pensée éducative qui s’exerce dans l’enseignement privé sous contrat signale l’évidence d’un renoncement autant que l’absence de projet. Ne sachant plus comment transmettre, l’enseignement catholique abandonne toute discipline pour se faire transdisciplinaire. En cette sécularisation, le savoir ne sourd plus d’une source unique et haute mais, partagé par tous et offert à quiconque, il se croise et se dilue. Admis, multiforme et consensuel, le credo pédagogiste entonné par les savants de l’Observatoire est apostasie du savoir, déréliction de toute connaissance.

Pour lire la suite :
https://www.parentspourlecole.fr/2016/06/14/les-nouveaux-maitres-de-lecole-libre/

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