Accueil > Documentation > Ecole et économie de marché : l’éclairage de Franck Lepage

Ecole et économie de marché : l’éclairage de Franck Lepage

mardi 22 mars 2016, par oleg

Dans l’entretien qui suit, [1] Franck Lepage, ancien directeur du développement culturel à la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture, analyse les liens qui unissent désormais école et économie de marché. Implacable, son éclairage permet de comprendre l’actuelle paupérisation de l’enseignement.

Dans quelle mesure pensez-vous que l’école d’aujourd’hui prépare les jeunes à l’acceptation du système néolibéral et de ses valeurs ?

L’école est de plus en plus sélective. Elle a calqué ses méthodes d’enseignement sur la logique du management d’entreprise — par exemple, en adoptant la « pédagogie par projets » ou en adoptant le discours des compétences. C’est une école qui fabrique des travailleurs adaptables et pas du tout des esprits critiques qui se syndiqueront et feront des grèves. Les méthodes pédagogiques par projets se présentent toujours sous un angle généreux (comme le travail en équipe) mais calquent complètement le modèle néolibéral de l’entreprise afin de fabriquer des individus extrêmement autonomes et pas du tout des collectifs, qui risquent de devenir contestataires et de s’organiser dans la critique, si besoin.

Pouvez-vous nous parler du projet de l’Union européenne concernant l’école ?

Le schéma est très simple : c’est la disparition des services publics d’éducation, de toutes les éducations nationales — pas seulement en Europe, d’ailleurs, mais partout dans le monde. C’est limpide, cela apparaît partout. C’est le transfert vers ce que l’on appelle « le marché éducatif », à savoir des opérateurs privés d’éducation. Et les logiciels vont jouer un rôle majeur dans ce processus. Il est quasiment inévitable, parce que c’est déjà prêt, que les apprentissages vont se faire sur Internet via des logiciels. On voit que l’on peut effectivement apprendre des choses seul, sans maître et sur Internet (nous le faisons tous), et ce sera le logiciel qui évaluera la progression de l’élève dans l’apprentissage de la matière. Les professeurs n’ont pas du tout conscience qu’ils vont disparaître ! Cela leur semble surréaliste car ils pensent être indispensables. Mais cela arrivera tellement vite qu’ils n’auront probablement pas le temps de s’organiser pour y répondre.

[1] http://www.revue-ballast.fr/franck-lepage/

2 Messages

  • Ecole et économie de marché : l’éclairage de Franck Lepage Le 22 mars 2016 à 19:47, par Xavier Prégentil

    Parle-t-on bien de la même école, celle qui endoctrine au nom du règne du tout Etat et qui a fait du libéralisme un gros mot ? On croirait à lire ces lignes se retrouver sur un site de la FSU.

    Répondre à ce message

    • Une précision Le 23 mars 2016 à 19:18, par Epsilon

      Merci pour votre regard critique.
      Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, nous vous rappelons l’objet de l’association : laisser les idéologies en
      dehors de l’école. Il ne s’agit donc pas d’une caution apportée à l’auteur de l’article : le peu regretté Bourdieu a provoqué d’énormes dégâts dont on paye aujourd’hui le prix.
      L’intérêt de cette étude est qu’elle provient d’un acteur du système critiqué. On ne peut lui dénuer une certaine lucidité sur divers points importants malgré son aveuglement sur l’essentiel.

      Répondre à ce message

Répondre à cet article

| Plan du site | Notice légale | Suivre la vie du site RSS 2.0